21 septembre 2013

J'ai peur.

Totalement irréaliste !

Ma femme a sauté du quatrième étage. Du putain de quatrième étage ! Elle est entre la vie et la mort en réanimation.

J'ai peur. Peur de l'avenir sans elle, peur de l'avenir avec elle si les séquelles sont lourdes comme le pensent les médecins, si elle survit.

Incompréhension totale de l'état psychologique dans lequel il faut être pour monter sur le rebord de la fenêtre… et sauter. A quoi elle pensait à ce moment-là, à quoi elle pensait en tombant, à quoi elle pensait une fois sur le macadam de la cour, à quoi elle pensait en sortant de l'appartement, laissant notre fille de 15 mois dans son lit, gazouillant d'impatience en attendant son biberon, à quoi elle pense actuellement, dans le coma, à quoi elle pensera en se réveillant du coma, à quoi elle pensera dans un putain de fauteuil roulant, la tête penché sur le côté pour le restant de ses jours, incapable de coordonner ses mouvement si son cervelet est atteint comme le pense les médecin.

J'ai peur, j'ai une putain de peur. J'ai une énorme putain de peur de l'avenir. Elle était ma moitié. Je serais amputé si elle meurt et si elle vie, la probabilité que ma moitié soit un poids pour moi, pour notre fille est énorme.

Je m'occuperai d'elle. Je me suis marié pour le meilleur et pour le pire. J'ai fait un serment devant tous les gens que j'aime, les gens qu'elle aime. Je tiendrai ce serment car j'y crois. Je fais le bravache, je tiens le coup, je m'occupe de ma fille, mais ça n'enlève en rien le fait que j'ai peur, et que je chiale comme un con en écrivant ça.

Et tout le monde me demande si je tiens le coup. Et bien oui je tiens le coup. J'ai peur, égoïstement peur pour l'avenir. Je ne ressens pas de manque. Je n'en ai jamais ressenti, je ne comprends même pas vraiment le concept. Je vie l'instant présent comme je l'ai toujours fait. Le passé, ben, il est passé, j'en ai tiré les conclusions rapidement. L'avenir fait peur parce qu'on ne le maitrise pas. Et quoi qu'il se passe je vais continuer à faire ce que je sais faire. Gérer la situation dans laquelle je suis, bonne ou mauvaise peu importe, sans m'apitoyer sur mon sort. Inutile, temps perdu. Je dois faire, et bien je fais. Il n'y a rien à faire ? alors je profite en jouant, lisant m'évadant vers des ailleurs.

Y'a des fois je me demande si ma collègue asiate folle n'avait pas raison en me disant que j'étais un putain de robot, que je n'avais pas d'âme. Est-ce normal de pleurer parce que j'ai peur d'élever ma fille seul plus que parce sa mère est peut-être en train de mourir ? Je l'aime pourtant, ça c'est certain. Ce sentiment de plénitude, ce sentiment d'être entier quand je suis collé contre elle dans le lit, son odeur, sa voie, sa joie de vivre affichée et ses doutes avec moi seul partagé, cette simplicité et cette évidence dans nos discussions sans fin. Oui, je l'aime. Alors pourquoi je ne ressens pas de manque. Je n'ai pas encore réalisé ? Je suis un monstre sans cœur ? Je suis égocentrique comme mon cousin ? Je ne ressens pas de manque tout simplement parce que je n'en ai jamais ressenti ? Mais est-ce normal ? .

Je n'en sais rien, mais en fait je m'en fous un peu. J'essaye d'avancer sans me poser de questions, c'est plus simple.